Aurély
A travers mes lunettes ... "L'Homme qui voyait à travers les visages" - Eric-Emmanuel Schmitt

Tout au long de ma lecture j’hésitais à écrire une chronique sur ce livre.
Au départ très emballée, j’ai ensuite traversé un moment de « flop » pour enfin finir sur une note exaltante, LA REVELATION ! Je ne m’attendais pas à une fin aussi déroutante. Venant à bout des dernières pages je craignais que l’histoire ne s’achève sur une note insipide. Mais Eric Emmanuel SCHMITT (EES) nous offre ce dernier rebondissement, le meilleur, l’inattendu, soulevant des questions à travers les réponses.
L’Héroïne, Augustin Tirolliet dont l’existence est misérable possède un don : celui de voir les morts qui suivent « leurs vivants ». Je tiens à préciser que l’histoire ne contient aucune part d'ombre.
A la suite d’un attentat auquel Augustin a été témoin, il est confronté aux avis de tout un chacun sur l’existence de Dieu. A l’issu de chaque échange avec un entourage dont les avis divergents sont bien tranchés, Augustin se voit convaincu par le discours tenu par son dernier interlocuteur. Il réalise que des thèses qui sont aux antipodes emportent systématiquement son adhésion.
Il s’interroge sur l’existence de Dieu et décide, sous l’influence de plusieurs personnages, dont on comprendra le rôle plus tardivement, d’enquêter sur Dieu.
Il ingurgite une substance lui permettant d’accéder à ce Dieu. C’est le début d’un échange merveilleux et plein de subtilité entre les deux protagonistes : Augustin et celui qu’il perçoit comme Dieu.
Dieu lui explique que les Hommes ont interprété les écrits religieux qui eux-mêmes ont été rédigés par des Hommes qu’il a mandaté. La subjectivité a pris part dès le stade de la rédaction soit à l’origine. Il lui explique que l’Homme a été un lecture crédule.
Il s’en est tenu aux faits sans rechercher l’analyse, le sens de mots derrière les mots.
Il justifie les histoires de ses écrits (Adam et Eve par exemple) - dont la compréhension exigeait une enquête de fond - par sa volonté de maintenir les Hommes libres.
Lors de cette conversation, Dieu lui-même analyse les causes de son échec. Ses intentions initiales – que l’Homme recherche la Vérité Universelle au fond de lui-même à travers ses Ecrits spirituels – ont été détournées et incomprises. Il explique que chaque écrit (le Coran, la Bible, l’Ancien Testament, le Nouveau Testament) avait un rôle bien défini et la naissance des religions a achevé cette scission entre l’Homme et sa dimension spirituelle.
Les écrits religieux n’étaient que des instruments pour guider l’Homme différemment à chaque fois vers cet unique Trésor : la Paix divine.
Chacune de ses oeuvres aurait donc été une nouvelle tentative d’enseigner à l’Homme. Chaque mot, chaque fait aurait dû être appréhendé à travers l’Esprit et non dans une acception purement rationnelle.
Chaque nouvel écrit à été un autre essai après l’échec du précédent. Le but ultime était le même : mener l’Homme sur le chemin de l’Eveil, à la quête de lui même.
Eric-Emmanuel Schmitt a su nous embarquer dans un raisonnement qui semble si logique qu'il pourrait raisonner en nous comme la Vérité Absolue. Aucune vérité n’étant absolue, l’auteur préserve cette liberté du lecteur à travers la justesse et la subtilité de chaque mot employé.
EES nous dévoile SA Vérité et libre à nous de se l’approprier intégralement, partiellement, de la rejeter ou de l’aborder sous un angle différent.
On comprend que certains éléments nous sont proposés mais qu’il nous revient de mener notre propre enquête. Il écrit d’ailleurs « il n’y a pas de livres, il n’y a que des lectures ». Tant dans l’intrigue que dans sa rédaction, EES protège notre libre arbitre et nous incite à en faire usage.
Est-ce une invitation à mener notre quête ?
Cette oeuvre est un petit bijou subtil et accessible qui nous guide vers la porte du Savoir.
J’achèverai cet article par une phrase de l’auteur qui résume parfaitement la manière d’aborder cette oeuvre tant sur le fond que sur la forme :
"Le livre propose, le lecture dispose. La lecture fait la qualité d’un livre (...) le crétin crétinise le livre, tandis que le profond l’approfondit. Un livre équivaut à une auberge espagnole : le client y apporte son déjeuner ».
Et vous, vous en avez pensé quoi ?
Comment avez-vous perçu cette oeuvre d'Eric-Emmanuel Schmitt?
Aurély G.